- 26 mai 2014
Zero, par MTSOfan sur Flickr (CC BY-NC-SA 2.0)
Comme annoncé aux Journées Abes 2014, nous travaillons à l’implémentation dans le Sudoc de la zone 0. De ce nom stupéfiant on désigne une partie de la notice ISBD permettant d’informer sur la forme du contenu de la publication décrite et sur le type de médiation par laquelle on y accède. La conception de cette zone la destine essentiellement à des fonctions de tri (au moyen de facettes par exemple).
La zone 0 annule et remplace l’indication générale du type de document (« texte imprimé », « enregistrement sonore » etc.) jusqu’à présent encastrée dans la zone du titre et de la mention de responsabilité (en Unimarc : 200$b).
1. L’indication générale du type de document
Cette indication générale du type de document présente plusieurs inconvénients.
D’abord un « document » relève d’un type et d’un seul. Il ne peut pas être à la fois « texte imprimé » et « image fixe » par exemple. C’est ainsi qu’une bande dessinée est conventionnellement décrite comme « texte imprimé ». Idem d’un album pour enfants, bien que l’image y soit largement prépondérante. Idem d’un catalogue d’exposition, d’une monographie sur l’œuvre d’un peintre ou d’un photographe, etc.
Ensuite on voit bien que certaines des formules normalisées utilisables pour cet élément informent à la fois sur un type de contenu (« texte ») et sur un mode de mise à disposition (« imprimé »). Pour autant « texte électronique » n’a jamais été une désignation reconnue. On dit « ressource électronique » — qui n’est qu’un mode de mise à disposition, ce qui nécessite de préciser le type de contenu d’une telle ressource ailleurs dans la notice (en l’occurrence dans la zone 3, Unimarc 230). Certaines autres « indications générales du type de document » ne désignent au contraire qu’un type de contenu (« image fixe », « document cartographique » par exemple). Pour une publication d’« image fixe » ou un « document cartographique » publiés électroniquement, l’indication générale du type de document devient obligatoirement « ressource électronique ». (Sans compter qu’un « document cartographique » est aussi une image.)
Conclusion : l’indication générale du type de document manque à ce point de rigueur et de cohérence qu’elle n’est pour ainsi dire d’aucune utilité en tant que critère de tri dans un catalogue.
2. La zone 0 de l’ISBD
La zone 0 (« zone de la forme du contenu et du type de médiation »), définie dans l’ISBD, édition intégrée (2011, traduction française 2013, pages 29-34), tente de pallier ces inconvénients.
Contrairement à l’indication générale du type de document, elle est répétable et chacun de ses éléments l’est aussi, ce qui d’ailleurs est potentiellement source de micmacs considérables. D’autant que l’ISBD manque d’explications et d’exemples sur ce sujet — qui ne sera pas développé dans ce billet. Une autre fois peut-être.
Elle est structurée en deux parties bien distinctes : la forme du contenu (de la ressource décrite), et le type de médiation, c’est à dire son mode de mise à disposition. Par exemple : texte (forme du contenu), électronique (type de médiation). Ou son (forme du contenu), audio (type de médiation). Avec la ponctuation prescrite qui fait le charme de l’ISBD :
Le signe « : » matérialise la frontière entre les deux parties de la zone 0. Il marque bien qu’il s’agit de deux éléments distincts. Remarquons au passage que le type de médiation « audio » et la forme du contenu « son » ne sont pas redondants (du son peut être mis à disposition sous forme de fichier électronique).
2.1. L’élément Forme du contenu
Les différentes formes du contenu possibles sont les suivantes :
Données — Image — Mouvement — Multimédia — Musique — Objet — Parole énoncée — Programme — Son — Texte — Forme du contenu non définie
(pour les définitions, voir l’ISBD), p. 30 et 31. On déplore la présence dans cette liste de multimédia, qui a le sens de « formes multiples ».
2.2. Le sous-élément Qualificatif du contenu
Une forme du contenu telle que « texte » doit être précisée par un qualificatif du contenu, car du texte peut être destiné à être lu soit à l’œil soit au toucher :
Le qualificatif du contenu est un sous-élément de la forme du contenu. Il est « obligatoire si applicable », c’est à dire que certaines formes du contenu exigent un ou plusieurs qualificatifs du contenu (jusqu’à quatre), qui sont, dans l’ordre : la spécification du type, la spécification du mouvement (en cas d’image uniquement), la spécification de la dimensionnalité (en cas d’image uniquement), et la spécification du sens humain grâce auquel le contenu est perçu (qui comporte entre autres le terme olfactif pour les ressources qui puent de manière intentionnelle).
C’est ainsi qu’un texte est soit visuel, soit tactile (c’est à dire en braille ou autre système analogue), qu’une image peut être cartographique (« spécification du type »), qu’elle est animée ou fixe (« spécification du mouvement »), bidimensionnelle ou tridimensionnelle (« spécification de la dimensionnalité »), et peut enfin être perçue soit par la vue soit par le toucher (« spécification du sens sollicité »). Exemple :
Image (cartographique ; fixe ; bidimensionnelle ; tactile)
Sublime.
Voici la liste des qualificatifs du contenu :
Spécification du type : cartographique — noté/notée — interprété/interprétée
Spécification du mouvement : animée — fixe
Spécification de la dimensionnalité : bidimensionnelle — tridimensionnelle
Spécification du sens sollicité : auditif/auditive — gustatif/gustative — olfactif/olfactive — tactile — visuel/visuelle
(pour les définitions, voir l’ISBD), p. 32.
2.3. L’élément Type de médiation
Cet élément est constitué d’un terme assez général indiquant le moyen par lequel on accède à la ressource décrite. Enfin… c’est un peu moins simple que ça. Cet élément fait d’abord la différence entre les ressources qui ne nécessitent aucune médiation (c’est à dire auxquelles on accède directement grâce au sens mentionné en qualificatif du contenu) et les autres. Dans le premier cas, on dit : « immédiat ». Exemple :
Texte (visuel) : immédiat
« Immédiat » est le terme consacré dans l’ISBD, mais bien entendu on peut en retenir un autre dans une interface de recherche et/ou d’affichage.
Dans les autres cas, ça dépend du type d’appareil nécessaire pour accéder à la ressource. Les différents types de médiation possibles dans ces cas-là sont les suivants :
audio — électronique — microforme — microscopique — projeté/projetée — stéréoscopique — vidéo
Exemples :
Texte (visuel) : microforme
Image (animée ; bidimensionnelle) : vidéo
Musique (interprétée ; auditive) : audio
Parole énoncée (auditive) : électronique
Et il en reste deux : le malencontreux multisupport (malencontreux dans sa formulation), et l’indispensable type de médiation non défini.
Le type de médiation ne s’accompagne d’aucun qualificatif.
3. À quoi sert la zone 0 ?
Elle est plutôt conçue, ainsi décomposée en éléments et sous-éléments, pour les tris. Par exemple, avoir isolé l’aspect « tactile » permet de filtrer les ressources destinées aux mal- ou non-voyants. La zone 0 permet de définir des facettes ou des filtres de recherche de manière assez souple, avec plus ou moins de granularité, en opérant éventuellement des regroupements, et cela « à la carte ».
3.1. Quelques imperfections
Seulement pour que ce soit possible dans tous les cas, il faut éliminer l’implicite dans la terminologie employée. Cette règle est assez bien respectée. Par exemple on qualifie bien de visuel un texte ou autre qui n’est pas tactile, au lieu de considérer qu’il l’est par défaut.
En revanche un objet par exemple est par défaut tridimensionnel. On ne le dit pas explicitement (la spécification de dimensionnalité ne s’applique qu’à l’image).
Ou bien, si la musique est soit notée soit interprétée (« spécification du type »), ce n’est pas le cas du texte. Pour un texte noté on ne donne pas de « spécification du type ». Pour un texte interprété on ne dit plus texte, mais parole énoncée, qui est une « forme du contenu » à part entière, distincte donc de texte. C’est gênant.
Encore autre chose, pour un enregistrement sonore textuel on a ceci :
Parole énoncée : audio
Supposons qu’il s’agisse d’une captation de spectacle. Si cette même captation est disponible aussi en enregistrement vidéo on a cette fois :
Image (animée ; bidimensionnelle) : vidéo
Encore qu’en principe rien n’interdirait dans ce cas de doubler la forme du contenu pour éviter de perdre l’aspect « parole énoncée » :
Image (animée ; bidimensionnelle). Parole énoncée : vidéo
3.2. Et le type de support ?
Ce qui manque à cette zone 0, c’est une information complémentaire sur le type de support pour indiquer que (par exemple) le « texte (visuel) : immédiat » et l’ « image (fixe ; bidimensionnelle ; visuelle) : immédiate » sont publiés sous la forme d’un livre. On le dit sous forme textuelle dans la zone de la description physique (Unimarc 215, $a), mais il vaudrait mieux un vocabulaire contrôlé qui viendrait préciser la forme du contenu et le type de médiation. Cet élément existe dans RDA.
4. RDA : type de contenu, type de média, type de support matériel
Le RDA, s’il fait bien du type de contenu (RDA § 6.9) et du type de média (RDA § 3.2) deux éléments distincts, ne va pas au-delà dans la granularité. C’est à dire qu’il a prévu un ensemble de combinaisons standard des différents aspects du type de contenu prévus par l’ISBD (forme de contenu – spécification du type – spécification du mouvement – spécification de la dimensionnalité – spécification du sens sollicité), chacune de ces combinaisons formant une entrée dans le vocabulaire contrôlé correspondant.
Exemple :
De même, la combinaison de l’ISBD :
Image (cartographique ; fixe ; bidimensionnelle ; visuelle)
a pour équivalent dans RDA le type de contenu :
Image cartographique
qui veut dire tout ça à la fois. Les autres types de contenu relatifs à l’image dans RDA sont au nombre de six (image animée bidimensionnelle ; image animée tridimensionnelle ; image cartographique animée ; image cartographique tactile ; image fixe ; image tactile). C’est plus simple que l’ISBD lorsqu’on catalogue, puisqu’on a déjà anticipé sur les combinaisons les plus probables et qu’il suffit de choisir celle qui convient dans une liste.
Inconvénients : il est possible que des combinaisons n’aient pas été prévues (mais c’est prévu quand même : « Si aucun des termes dans la liste ci-dessus ne s’applique au contenu de la ressource décrite, enregistrer autre. » RDA § 6.9), et surtout ça laisse moins de liberté pour paramétrer ses facettes de recherche (on ne peut définir une facette sur la seule forme image qu’en regroupant les 7 types cités plus haut en une seule, idem si on en veut une sur l’aspect tactile, 7 types différents aussi, etc.), d’autant que beaucoup de place a été laissée à l’implicite dans le vocabulaire : ce qui n’est pas tridimensionnel est réputé bidimensionnel, sauf l’image animée — mais seulement lorsqu’elle n’est pas cartographique (on dit : image animée bidimensionnelle mais image animée cartographique tout court, qui s’oppose à image cartographique tridimensionnelle).
Bref : c’est plus simple lorsqu’on catalogue, mais ça laisse moins de latitude lorsqu’on paramètre les interfaces de recherche.
Le type de contenu et le type de média sont complétés dans RDA par un 3e élément : le type de support matériel (RDA § 3.3), pour lequel a été défini un vocabulaire contrôlé. Les trois éléments sont conçus comme un ensemble.
5. Dans le Sudoc, ce sera comment ?
5.1 Le format Unimarc
Les deux standards (ISBD et RDA) sont pris en compte dans les zones 181 et 182 du format Unimarc bibliographique. 181 pour la partie forme du contenu de la zone 0 ISBD ou l’élément type de contenu du RDA, 182 pour la partie type de médiation de la zone 0 ISBD ou l’élément type de média du RDA. Une zone 183 a également été définie pour l’élément Type de support matériel de RDA. Ce sont des zones de données codées. Comme le Marc21, l’Unimarc offre la possibilité d’encoder aussi ces divers éléments sous forme textuelle (zone 203 pour la zone 0 de l’ISBD ou les éléments Type de contenu et Type de média de RDA, zone 283 pour l’élément Type de support matériel de RDA), mais ces zones ne seront pas implémentées dans le Sudoc.
La zone 181 (Forme du contenu) comporte deux sous-zones de longueur fixe ($a, 2 positions, $b, 6 positions) pour refléter la conception analytique de la zone 0 de l’ISBD. Exemple :
$ai#$bxxxe##
pour : Texte (visuel). Voilà qui semble bien complexe pour exprimer si peu de chose, mais c’est tout simplement parce que la forme de contenu ($a) étant en l’occurrence du « texte » (valeur : i), les 3 premières positions de la sous-zone $b (qualificatifs de contenu) sont « non applicables », d’où ces trois valeurs « x » précédant la valeur « e » (pour « visuel »).
Le principe de cette zone est en effet celui de toute zone codée de longueur fixe dans laquelle s’enchaînent des éléments d’information signifiants en raison de leur position.
Si on veut utiliser la 181 pour RDA, on dispose juste d’une $c contenant un code à 3 caractères alphabétiques (défini pour le format MARC21) correspondant à chacun des types de contenu spécifiés dans la norme. Exemple :
$ctxt$2rdacontent
pour : Texte (qui est l’équivalent RDA de Texte (visuel) de l’ISBD). Cette $c n’est pas spécifique à RDA, mais à tout code de catalogage autre que l’ISBD. D’où la sous-zone $2 précisant de quel vocabulaire est issu le code figurant en $c.
La zone 182 (Type de médiation) n’a qu’une sous-zone ($a pour l’ISBD, $c pour RDA). En cas de $c, il faut une $2rdamedia. Exemple :
$an
ou :
$cn$2rdamedia
pour : immédiat (ISBD) ou sans médiation (RDA).
La zone 183 (RDA Type de support matériel), qui vient tout juste d’être créée dans le format Unimarc/B, n’a pas encore fait l’objet de spécifications pour une implémentation dans le Sudoc.
5.2 Catalogage
En catalogage ce sont les catégories du RDA qui seront proposées, pour des raisons de simplicité (c’est donc la sous-zone $c qui sera renseignée). La liste à utiliser comporte une grosse vingtaine de termes. Les catalogueurs auront à leur disposition une boîte de saisie avec une liste déroulante de libellés que nous espérons aussi parlants que possible.
5.3 Exports
Une table de correspondance a été établie entre la nomenclature RDA et les libellés ISBD, sur la base du vocabulaire RDA (toute combinaison théoriquement possible en ISBD, mais non prévue dans RDA, ne pourra être codée que comme « forme du contenu non définie »). Cette table permettra de générer automatiquement des zones 181 structurées selon l’ISBD ($a et $b). Les deux versions des zones 181 et 182 seront exportées en Unimarc. L’export en Marc21 est également prévu (zones 336 et 337).
5.4 Affichages
La conformité à l’ISBD sera respectée dans le seul affichage « i » (notice ISBD dans WinIBW). L’affichage « u » (avec libellés) de même que l’affichage public appliqueront une formulation plus simple.
5.5 Calendrier
Ces deux nouvelles zones (181 et 182) devraient être mises en production dans le courant de l’automne.
6. La zone 0 et le modèle FRBR
Dans le modèle FRBR, l’un des attributs de l’expression est sa forme :
On entend par « forme de l’expression » le moyen par lequel l’œuvre est réalisée (par exemple, sous forme de notation alphanumérique, de notation musicale, sous forme déclamée, sous forme de sons musicaux, d’image cartographique, d’image photographique, de sculpture, de danse, de mime, etc.).
FRBR, 2e éd. française, § 4.3.2 Forme de l’expression
On le voit, cette notion de forme de l’expression (FRBR) est très proche de celle de forme du contenu (ISBD).
Cependant une publication (manifestation) réunit fréquemment plusieurs œuvres différentes à travers leurs expressions respectives. Il suffit (par exemple) qu’un texte soit accompagné d’illustrations dans telle publication. Ou qu’une publication soit un recueil de choses plus ou moins homogènes quant au contenu (actes de congrès ou autres). À quoi alors d’applique la zone 0 ?
Côté ISBD les choses paraissent assez claires : on est au niveau de la manifestation. Même si, dès lors qu’on parle de contenu, on dit quelque chose de l’expression, ou des expressions de l’œuvre (ou des œuvres) réunies dans la publication, c’est bien sur le contenu global de celle-ci qu’on fournit des informations. La publication est prise comme un tout, et on donne une typologie de ce qu’elle contient.
Si la manifestation contient une seule œuvre, et une seule expression de celle-ci, la forme de contenu de la manifestation se trouve être aussi la forme de l’expression. « Texte (visuel) » est par exemple aussi bien la forme du contenu du livre Le vice-consul, de Marguerite Duras, publié par Gallimard en 1966 (manifestation) que celle de l’expression de l’œuvre contenue dans ce même livre. Cette expression constitue en effet à elle seule tout le contenu de ce livre : pas de préface, ni de postace, d’illustrations, rien que le texte de Marguerite.
Pour l’Unimarc : les zones 181 et 182 sont définies pour l’instant dans le format bibliographique seulement. La zone 181 devrait normalement être définie également dans le format des autorités à l’avenir, pour les notices d’expression.
Pour RDA, qui a son modèle FRBR à lui, l’élément Type de contenu est traité dans la partie du chapitre 6 Identification des œuvres et des expressions traitant de l’expression (§ 6.9). Il n’empêche que la pratique courante lorsque les données sont produites en Marc est d’intégrer cet élément aux notices bibliographiques (Marc21 : zone 336).
Si un jour il devient de pratique courante dans l’application de RDA de décrire systématiquement les expressions représentées dans une manifestation, je suis curieux de voir l’emploi qui sera fait de cet élément, et ce qui figurera alors dans les métadonnées des manifestations correspondantes…
Practicing for the circus, par seniwati sur Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)