- 14 octobre 2013
Stockholm (Suède), 19 septembre 2013
La réunion annuelle des membres d’EURIG s’est tenue fin septembre à Stockholm, jolie ville impeccable, où même les éléments d’architecture authentiquement très anciens ont l’air d’avoir été exécutés avec un soin minutieux dans les années 1980. Nous étions confortablement reçus à la Bibliothèque royale, Kungliga biblioteket, et gratifiés à de fréquents intervalles de carrés de pain de mie avec des choses dessus (à manger).
On prendra connaissance du compte-rendu de la réunion, dressé par Françoise Leresche (BnF), sur la page du site RDA en France consacrée aux travaux internationaux relatifs au RDA.
Cette réunion d’EURIG était la première depuis l’entrée en vigueur du RDA comme code de catalogage dans un certain nombre de bibliothèques d’envergure, parmi lesquelles la LC [Library of Congress] et la BL [British Library]. Trop tôt sans doute pour un premier bilan (qui n’était d’ailleurs pas à l’ordre du jour).
Cependant, au cours de la réunion, quelqu’un — Daniel van Spanje, représentant à la fois OCLC-Leiden et le réseau des bibliothèques de lecture publique néerlandaises — a dit qu’il faudrait quand même savoir à partir de quand une notice pouvait être labellisée RDA, vu que celles produites par la LC (il aurait pu dire la même chose de celles de la BL) ne comportent pas l’identification des œuvres, alors que cet élément est core (fondamental, et donc obligatoire). Ça me rappelle quelque chose… (cf. Journées Abes 2013). Sans cet élément (et pour ma part j’ajouterais : sans l’identification de l’expression, mais RDA n’en fait pas obligation), les notices bibliographiques ne sont pas FRBRisées. Certes la feue indication générale du type de document (élément présent dans les AACR2 et les anciennes éditions de l’ISBD) est dûment remplacée dans les notices MARC par des zones exprimant la forme du contenu, le type de médium et le type de support, mais pour le reste, en dehors de quelques nouveautés, rien n’a fondamentalement changé. C’est-à-dire qu’on est passé, dans ces établissements, des AACR2 à… des AACR3.
Cette carence flagrante de l’identification de l’œuvre nuit à la réputation du RDA : elle laisse penser que le code est impossible à appliquer. Et pas parce que la LC, la BL et les autres travaillent toujours en MARC : il est parfaitement possible, même en MARC, d’identifier l’œuvre, que ce soit au moyen d’une zone de lien, ou par une simple zone textuelle (puisque la LC ne fait pas de liens entre notices). Est-ce que cela, s’autoriser à négliger un des éléments fondamentaux du RDA (le plus fondamental de tous, celui qui dit clairement : on applique le modèle FRBR), n’est pas une manière d’avouer : RDA: no we can’t ?
Quant aux bibliothèques françaises relevant du réseau de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, compte tenu du projet SGBM qui démarre, il leur faut assez vite traiter la question : RDA, ou pas RDA ?
En faveur du RDA :
- le code, à tort ou à raison, marque des points au niveau international grâce à un travail incessant de communication qui fonctionne. Dans plusieurs pays on considère que puisque le RDA est porté par la LC, il s’impose de facto comme code international, et qu’il n’y a pas à tergiverser. C’est le cas en Allemagne, où la décision de retenir le RDA est prise de longue date (alors qu’on n’y applique pas les AACR2, mais un ensemble de règles spécifiques, utilisé aussi en Autriche, les RAK). Prévue initialement pour 2013, l’entrée en vigueur du RDA y a été repoussée à 2015.
- Le RDA est bien représenté dans l’Open Metadata Registry, ce qui rend ses éléments, vocabulaires, etc. disponibles pour l’expression des métadonnées en RDF. (Le modèle FRBR et l’ISBD — qui ne traite que de la description des ressources, c’est-à-dire, grosso modo, de la manifestation FRBR — sont dans le même cas.)
En défaveur du RDA :
- Le code est encore incomplet (l’indexation matières n’est toujours pas traitée ; des travaux sont en cours à ce sujet)
- On peut être sceptique sur son aptitude à réellement produire des métadonnées FRBRisées, soit parce qu’il est difficile à appliquer (cf. supra), soit pour des raisons plus profondes (voir le billet FRBR : de l’expression bordel !)
- Sans identification de l’œuvre, le RDA ne présente guère d’avancées significatives par rapport à un ensemble de règles qui serait constitué de l’ISBD intégré et du reste des règles françaises actuelles (choix et structure des points d’accès).
Si RDA, des questions devront être réglées avant de s’y lancer, parmi lesquelles :
- Le RDA ménage beaucoup d’options d’application : les choix doivent être opérés et consignés dans une sorte de profil d’application destiné à un contexte d’utilisation spécifique (par exemple : les bibliothèques du réseau Sudoc). Qui rédigera ce profil ? Si c’est l’Abes : quand, et avec quels moyens humains ?
- Il y aura lieu de former les catalogueurs au nouveau code, dont l’organisation interne n’a rien à voir (rien à voir) avec celle des règles françaises actuelles. Ce point est délicat : il faudra d’abord constituer un vivier national de formateurs qui devront donc acquérir les connaissances nécessaires, puis mettre en place des sessions dans les CRFCB. La question se pose en particulier pour l’Abes, dont aucun agent ne dispose actuellement de l’expertise nécessaire.
- La question de la formation amène celle de l’aide au catalogage, et de la maintenance de l’éventuel profil d’application qui aura été défini (cf. supra). Ces tâches devraient en toute logique incomber à l’Abes. Il faudra donc en définir les conditions. Quid du réseau Sudoc actuel ? L’Abes devra-t-elle mener en parallèle l’aide au catalogage selon les normes actuelles (et la maintenance du Guide méthodologique) et l’équivalent pour le RDA ? Ou bien sera-ce le RDA pour tout le monde ? (On boucle alors sur la question de la formation, qui devient une opération à grande échelle).
- Une autre question mérite d’être posée : quel sera le périmètre documentaire de l’utilisation du RDA ? Les seules ressources « analogiques », dont l’importance relative décline au profit des ressources électroniques ? Ou bien… ?
En cas d’adoption rapide du RDA dans le réseau des BU (je dis BU pour faire court), il y aurait en outre lieu de réexaminer les conditions de la participation de celui-ci au projet RDA en France (dont le groupe stratégique était jusqu’au départ de Raymond Bérard pour l’INIST présidé par le directeur de l’Abes, et dans le cadre duquel il a été décidé de ne pas appliquer RDA dans l’immédiat).
En résumé : une décision d’appliquer RDA pour faire comme tout le monde (ce qui peut se justifier) aurait un prix, qu’il vaudrait mieux évaluer avant d’avoir à le payer.
Ceci sans préjudice de l’utilisation ou non de BIBFRAME lorsqu’il sera stabilisé.
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L’an prochain, la réunion EURIG aura lieu à Vienne, patrie du Wiener Schnitzel et de la Sachertorte — et capitale du seul pays au monde capable de rivaliser avec la France en matière de pâtisserie.
Et c’est bientôt Noël.