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Ceci n’est pas une œuvre

Gian Lorenzo Bernini. Transverbération de sainte Thérèse (1652). Rome, Église Santa Maria della Vittoria

Dans le modèle FRBR, l’entité désignée par le nom d’œuvre constitue comme on sait la racine de l’arborescence censée rendre compte de la complexité des objets documentaires.

L’objet documentaire lui-même, celui que l’on manipule et pour lequel on cherche à créer des métadonnées, est un item, cet item étant le représentant d’une manifestation d’une ou de plusieurs expression(s) d’une œuvre chacune.

Manifestation, expression et œuvre sont autant d’entités abstraites dans le modèle.

La manifestation correspond aux opérations de publication d’une ressource. L’expression, c’est le produit intellectuel ou artistique proprement dit : la suite de mots et de signes qui constituent un texte, la suite de séquences filmées composant une œuvre cinématographique… et voilà ça y est, j’ai employé le mot fatal, celui qu’il fallait éviter à tout prix. J’ai dit œuvre en parlant de l’expression.

Comment faire autrement ? Dans la langue ordinaire, une œuvre littéraire, artistique etc. est un produit. Les dictionnaires eux-mêmes associent généralement au terme d’œuvre celui de production, ou de produit (de l’activité créatrice d’un individu).

Oui, mais pas le modèle FRBR. Il est indispensable de s’en convaincre. Une œuvre n’est pas une œuvre.

Qu’est-ce qu’une œuvre ?

Le modèle la définit ainsi (§ 3.2.1) :

une création intellectuelle ou artistique déterminée.

Mais il ajoute quelques lignes plus loin :

… l’œuvre elle-même ne réside que dans une identité de contenu au sein des diverses expressions de l’œuvre.

Tu vois, l’œuvre ne se définit qu’à partir de ses expressions. C’est ce qu’elles ont en commun, ce qui n’est pas distinctif de chacune d’elles.

Il est précisé ensuite (toujours § 3.2.1) :

D’un point de vue pratique, le fait de définir la notion d’œuvre comme l’une des entités du modèle sert à plusieurs choses. Cela permet de nommer la création intellectuelle ou artistique abstraite qui englobe toutes les expressions individuelles d’une même œuvre et d’établir des relations avec celle-ci.
[…]
Cela permet également d’établir des liens indirects entre plusieurs expressions de la même œuvre lorsqu’il est impossible d’établir des liens directs entre ces expressions elles-mêmes.
[…]
Ce lien indirect entre expressions d’une œuvre par le biais des liens établis entre chacune des expressions et l’œuvre qu’elles réalisent constitue souvent le moyen le plus efficace de regrouper des expressions parentes.

On comprend que l’institution de cette notion d’œuvre a une portée essentiellement utilitaire, et ceci dans le cadre d’un système de métadonnées bibliographiques.

L’œuvre n’est donc pas l’œuvre mais son nom. Une œuvre est le plus petit commun dénominateur de toutes ses expressions. Par conséquent une notice d’œuvre est faite essentiellement de la (des) désignation(s) de celle-ci ; elle est le lieu où sont consignées les différentes relations de l’ensemble de ses expressions avec d’autres entités du modèle (en particulier — mais pas seulement — les métadonnées décrivant son ou ses créateurs).

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